Descriptif
La question essentielle qui prime avant toute autre en matière d’enseignement des arts martiaux, internes ou externes, de la danse, de l’équitation, ou de tout autre art du mouvement, est la suivante : « Existe-t-il une pédagogie particulière à cet enseignement qui échapperait à tout point commun avec la transmission d’autres conduites motrices ? ». Pour réfléchir à cette question, il faut donc s’en poser une autre qui, elle, concerne ce que l’on pourrait appeler la « technique », c’est-à-dire la production du mouvement : « Dans un art quel qu’il soit, y a-t-il un mouvement qui s’affranchit complètement de l’ensemble des possibles d’un art autre et différent ? ». Si l’on répond par oui à ces deux questions, on se pose dans une démarche sectaire, au sens étymologique du mot, c’est-à-dire : « coupé du reste ». Si l’on répond non, on considère, comme l’ensemble de la communauté scientifique et philosophique, que le mouvement humain est un et universel, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de différence de nature entre les hommes, mais juste des variations culturelles entre lesquelles toute passerelle est possible (certains même, tels C. G. Jung ou Mircea Eliade, y voient un fond commun).
De l’inutilité de « dresser » le corps
Pendant les années où j’ai eu des responsabilités fédérales, en charge de formation diplômante auprès des candidats au titre de professeur d’arts martiaux internes chinois, j’ai été confronté en permanence à ces questions. Beaucoup de stagiaires, formés dans un seul moule, soit ne s’étaient pas posés ces questions, soit étaient persuadés d’être dans la seule voie orthodoxe. Pour moi, il s’agit d’essayer de montrer, dans notre champ culturel particulier, puisque véhiculant des techniques exotiques, qu’elles ne se situent pas hors du contexte de réflexion sur la pédagogie du mouvement, de ses voies expérimentales, universitaires ou phénoménologiques. Il s’agit aussi de démasquer, derrière de prétendues transmissions secrètes ou pouvoirs occultes, des comportements contestables sur le plan déontologique et sur le plan de l’efficacité. Penser, par exemple, que bien transmettre un savoir ne peut se faire qu’en vase clos et dans une relation univoque entre un maître et un élève, relève de l’obscurantisme. Toute la recherche en pédagogie nous montre, en particulier la pédagogie de la motricité, que le dressage n’est ni efficace sur le plan moteur, ni souhaitable sur le plan moral. Baser sa pédagogie sur la seule imitation d’un modèle et la seule ...