Descriptif
GTao : Bonjour Lewis, pouvez-vous nous raconter pourquoi vous avez placé le processus narratif au cœur de votre travail ?
Lewis Mehl-Madrona : Parce que tout est histoire. Nous en inventons à tout instant : lorsque nous marchons ou que nous conduisons notre voiture pour rentrer à la maison, nous nous racontons tout ce que nous allons faire. Et nous argumentons : et si, et si, et si… Et nous finissons par conclure que nous devrions acheter des fleurs pour celle que nous aimons, que nous allons passer chez le traiteur chinois parce que les enfants adorent ça… Nous avons la capacité de créer sans cesse des histoires car le processus narratif
est l’activité la plus simple pour notre cerveau. Et quand nous ne comprenons pas une situation ou un événement, nous continuons à nous raconter encore une histoire. Pour illustrer ce propos, vous vous souvenez peut-être du film « Les dieux sont tombés sur la tête »*. Quand la bouteille de coca-cola tombe sur la tête du bushman, la tribu commence à expliquer le phénomène. Toutes les cultures dans le monde utilisent ainsi depuis longtemps les histoires pour transmettre leur sagesse et créer du lien entre les hommes ; ce sont des neurotransmetteurs sociaux. GTao : Le cours de l’évolution aurait donc créé un grand cerveau qui fonctionne en racontant des histoires…L. M.-M. : Depuis la nuit des temps, le monde est une histoire que tous les peuples, les civilisations narrent à travers leur cosmogénèse, leur heuristique (l’art d’inventer, de faire des découvertes) et leurs théories. Même une preuve mathématique est une histoire. Quand le cerveau enregistre des souvenirs, c’est aussi une structure narrative : on retrouve des caractères, des personnages, un but, un lieu, une signification. Toute notre conversation est une histoire qui se tisse selon ce que nous voulons et ce que nous attendons l’un de l’autre.
GTao : Alors, JE suis histoire…
L. M.-M. : Bien sûr ! Le Moi se construit à partir de ma mémoire. Je saisis des événements de ma vie et je construis une histoire qui s’appelle Moi. C’est une petite région dans le cerveau : le cortex préfrontal médian qui raconte cette histoire continuellement. Sans l’activité de cette région de notre cerveau, notre vie serait « déconnectée ».
GTao : Vous allez jusqu’à parler du pouvoir guérisseur des histoires. Pouvez-vous nous expliquer ?
L. M.-M. : Si vous voulez changer votre vie, vous pouvez ...