Marguerite tombe le masque

Lorsque j’ai découvert le texte « Authentique extrait d’un manuel d’économie domestique », j’ai eu l’intuition de le faire lire à mon clown. C’est un texte des années 60 qui explique en détails comment doit se comporter une parfaite épouse. On y parle d’une femme qui n’existe que  par et pour le bonheur et le bien-être de son mari, une femme belle, bien élevée et qui « fait plaisir »; elle se met au service de l’homme et elle aime ça. Sur le moment, j’ai pris ce texte à la légère, c’était comme une caricature et je n’ai pas vu ce que cela touchait en moi. Je refusais de voir que j’avais fait un choix, un choix engagé, que j’avais des choses à dire sur le sujet, que ça n’était pas juste pour faire rire. Avec mon clown, je n’ai pas abordé le thème de manière frontale : Marguerite s’applique à la lecture du texte, elle est dans le plaisir des sonorités, des mots, et seulement plus tard, elle réalise le sens du texte et se met en colère contre son contenu, pour le plus grand soulagement du public.
Mais le sujet ne s’arrête pas une fois le numéro terminé ; des femmes, mais aussi des hommes viennent me parler de leur mère, de leur grand-mère, de leur sexualité, de la place de la femme hier et aujourd’hui. J’ai alors pris conscience de toute cette lignée de femmes, de ce qu’il reste d’elles en moi, du chemin gigantesque parcouru en cinquante ans, mais aussi des empreintes laissées en chacune de nous par des milliers d’années de domination masculine. Lors d’un atelier « d’affirmation de soi au féminin » avec Natmatiss©, j’ai vu plus clairement toutes ces petites phrases données aux filles comme des messages de vie : « fais plaisir, sois gentille, sois parfaite, dépêche toi ». Je me suis également rapprochée de réseaux féminins et féministes : certains propos m’ont touchée, ont résonné en moi, tandis que d’autres, trop extrémistes, ne correspondaient pas à ma vision des choses. J’ai par exemple entendu que l’égalité hommes-femmes, c’est gommer toutes les différences, même physiques et vestimentaires et je ne trouvais pas cela juste. C’est comme si l’on demandait à la femme de cacher, de nier le féminin en elle, au lieu de l’assumer et d’en être fière, et ça ne me semble pas être une avancée.
Une autre dimension m’est apparue ...