Descriptif
L'œuvre de Carlos Castaneda a suscité un intérêt considérable, peut-être surtout parce qu'elle évoque un Souvenir non temporel, la Reconnaissance de notre “Réalité”, de notre “Soi impersonnel”.
Brujo et Brujeria
C'est par sa rencontre avec un mystérieux Yaqui, “Don Juan”, que Castaneda est mis sur la Voie des Nagual, en rejetant, contre son gré, son ancienne vie ; c'est-à-dire, en triomphant des défenses individuelles, mentales, qui font que nous restons collés à un monde, auquel nous nous identifions. Cette voie nagualiste, son mentor l'appelle brujeria, sorcellerie ; mais il ne s'agit pas d'obtenir de petits “pouvoirs” pour faire du mal (ou du bien) aux gens.
Le brujo, dans cette hiérarchie qui est appelée “toltèque”, est supérieur même à l'Homme de Connaissance, l'équivalent du jñânin de la tradition advaitine. Il est ainsi semblable au Siddha, le Réalisé, l'Homme de Pouvoir, qui est parvenu à réaliser divya deha, le corps divin, ou siddha deha, le corps de réalisation.Avant cela, l'apprenti devient Guerrier, l'équivalent du vîra tantrique, qui rejette le monde de ses semblables, la “vérité conventionnelle” (vyavahara satya), la dictature du mental, triomphe des défenses que le mental, solidaire de l'ego, oppose à l'originelle Vacuité, à ce Pouvoir que nous sommes réellement, pour faire perdurer le monde mesquin et surimposé, et continuer d'emprisonner l'Esprit dans la forme humaine.Cependant, il est dit qu'il n'y a pas d'apprentissage, ni de voie. Il n'y a rien à acquérir. Il faut seulement se débarrasser de son encombrante image, de son identification erronée. C'est exactement ce que dit Lao Zi : La recherche de la connaissance est une accumulation quotidienne, la pratique du Tao est une perte quotidienne. Perdre encore et toujours, c'est ainsi qu'on atteint au Non-Agir, wu wei (Tao Te King, 48). Et le Non-Agir, le Ne-Pas-Faire, est la clef de la “non-pratique” de la voie dont l'anthropologue Castaneda, est devenu, retourné, l'un des participants.
Le Tonal et le Nagual
Pour les Nahua (Toltèques et Aztèques) et les Maya, l'esprit a deux aspects — tonal, tonalli et nagual, nahualli. Selon le Codex Florentin, le nagual est “inhumain”. Et “nagual” désigne aussi le brujo, le sorcier qui a accès à l'esprit — qui peut se transformer, non seulement en un animal, voire en “phénomène météorologique”, mais aussi en l'esprit même. Le tonal, ou tonalli, est la force vitale, solaire, qui nous permet de “fonctionner” dans ce monde. Le monde du tonal est ainsi, selon ...