Descriptif
En Chine, le temps ne passe pas comme en Occident. Ce n'est pas un temps abstrait et linéaire qui s'étire d’un an zéro histori-quement fixé vers une éternité finale mystiquement rêvée. Il ne se déroule pas de façon implacable, mais s'enroule sur lui-même de façon très palpable. Rond et vivant, il s'épanouit sans cesse en combinant des tendances qui se renforcent ou se renversent. Ce n'est pas une succession d'instants qui se ressemblent, mais une conjonction d'influx qui se rassemblent.
La discontinuité du temps
Le sinologue Marcel Granet explique que les Chinois divisent le temps en organisation de périodes comme ils divisent l'espace en confédération de secteurs. Cette organisation discontinue du temps les a amenés à considérer avec un intérêt tout particulier la transition, le passage d'un temps à un autre. Leurs cérémonies en témoignent. Un esprit chinois ne saurait inaugurer un temps nouveau qu'en procédant d'abord à des rites d'au revoir du temps périmé. Les saisons nouvelles étaient accueillies par des cérémonies de bienvenue précédées de rites destinés à annoncer à la terre qu'une période est finie. Cette conception du temps comme une succession de moments ayant chacun leur tempo particulier, l'importance donnée à la reconnaissance des seuils, à l'émergence des retournements, à l'accompagnement des mutations, tout cela a amené les anciens Chinois à inventer une sorte de boussole temporelle aussi fiable que celle avec laquelle on peut se repérer dans l'espace : le Yi Jing ou Classique des Changements.
La danse cosmique du Yin-Yang
Prenant la nature comme modèle et l'être humain comme module, le Yi Jing suggère la danse cosmique du Yin et du Yang, la variation de leurs agencements et la permanence de leurs mutations. Et tout cela simplement à partir de 64 situations de la vie quotidienne rabotées jusqu'à leur structure énergétique, stylisées jusqu'à devenir des situations-types. Le coup de génie des anciens Chinois a été de concevoir ces 64 « archétypes » comme un système évolutif et de les résumer à l'aide de diagrammes abstraits. Au mouvement Yin fut associée la ligne brisée : . Au mouvement Yang fut associée la ligne continue : . En combinant les deux signes de ce code binaire avant la lettre, le Yi Jing écrit et décrit tout ce qui vit dans l'univers. Cette trouvaille, qui est unique parmi les civilisations anciennes, est aujourd'hui ce qui rend le Yi Jing universel. En effet, ces figures nous sont directement ...