Bernard-Marie Chiquet

GTao : Bernard-Marie, vous avez un jour décidé de changer de vie. Quel a été le déclencheur ?
Bernard-Marie Chiquet : J’ai quitté le monde de l’entreprise en 2005 parce que je ne voulais pas y perdre mon âme. Je ressentais que tous ces modes d’organisation que j’avais pu vivre et observer étaient inadaptés et souvent inhumains. En même temps que cette prise de conscience, au cours d’une altercation violente avec mon fils aîné alors âgé de 16 ans, j’ai été foudroyé par une vision instantanée et brutale : je reproduisais avec mon fils ce que j’avais moi-même vécu avec mon père. J’étais en quelque sorte inconsciemment esclave d’une matrice comportementale familiale, tout comme j’étais inconsciemment esclave des matrices organisationnelles que j’ai fréquentées ou dirigées. J’ai donc
décidé de sortir de toutes ces matrices !

GTao : Vous vous êtes alors intéressé à la sociocratie. Quels en sont les principes ?
B.-M. C. : La sociocratie est une pratique qui permet de sortir des jeux de domination dans les relations interpersonnelles pour aller vers une posture d’équivalence. Nous ne sommes pas égaux, j’ai des talents uniques que l’autre n’a pas et réciproquement. En revanche, nous avons chacun la même valeur au regard de la vie. La sociocratie apporte des processus concrets qui nous enseignent la posture d’équivalence et nous ramènent à notre
puissance personnelle.

GTao : Aujourd'hui, vous développez le concept d'Holacracy ? Pouvez-nous en dire plus ?
B.-M. C. : Je suis arrivé aux limites de la sociocratie en l’implantant dans les organisations. L’Holacracy est un nouveau système d’autorité distribuée qui apporte aux organisations une agilité et un ajustement permanents à leur environnement ; elle permet aux individus de se sentir bien utilisés dans leurs talents et utiles dans une organisation centrée sur leur Mission/Raison d’Etre et de pouvoir être eux-mêmes.

GTao : Pensez-vous que cela puisse révolutionner le monde de l'entreprise ?
B.-M. C. : Oui, il s’agit d’un nouveau modèle d’organisation qui transcende la dualité qui existe aujourd’hui entre les organisations
tournées vers la rentabilité et les autres qui se disent au service d’une belle et noble cause. Cette dualité et ces modèles sont dépassés et inadaptés au monde du 21e siècle.

GTao : Le risque n'est-il pas de rendre des sociétés parfois « polluantes » plus performantes ?
B.-M. C. : Je n’ai pas la réponse. C’est le fonctionnement malsain des organisations qui amène la ...