Descriptif
Génération Tao : Jean-Michel, pouvez-vous nous parler de votre expérience des conceptions occidentale et orientale de l’alchimie ?
Jean-Michel Chomet : Avant de parler de l’alchimie elle-même, voyons un peu si ces conceptions sont si différentes que cela. Ces différences résident moins dans le clivage Orient - Occident, ou dans les distances linguistiques ou culturelles, que dans le gouffre qui sépare les peuples ayant su garder des liens forts avec une connaissance traditionnelle, et ceux qui s’en sont éloignés pour choir dans la "matérialocratie" que nous connaissons aujourd’hui. Entendons par connaissance traditionnelle, une science intuitive du vivant, une connaissance initiatique en un mot. "Tradition" signifie littéralement "transmission". Or, cette transmission ininterrompue, de génération en génération, depuis la nuit des temps, dépérit.
Cet ensemble vivifiant s’étiole ou se fige trop souvent dans des formes rigides, enveloppes vidées de leur substance vitale.
Or une tradition transmet l’essence du vivant. Les formes qu’elle utilise pour passer son flambeau, désignent les aspects essentiels, comme le doigt montre la lune. Elle sait les adapter au lieu et au temps, à la nécessité de l’efficacité de la transmission. En Occident comme en Orient, l’Alchimie est l’une de ces voies véhiculant la connaissance primordiale.
GTao : Avec un recours constant au langage symbolique…
J.-M. C. : Tout à fait. Un passage de Zhang San Feng illustre bien la place des symboles dans la voie alchimique :
Un fois que l’énergie et la respiration sont harmonisées, il n’y a naturellement plus ni sortie, ni entrée, ni allée et venue au-dessus, au milieu et au-dessous. C’est la respiration embryonnaire. C’est la respiration spirituelle. Ceci est le véritable soufflet, les véritables "chaudron et fourneau". Ceci est "retourner à la racine (l’origine)" et "restaurer la vie". Ceci est l’ouverture de la femelle mystérieuse, la racine du ciel et de la terre.
Ce dont il est question est indicible ; le symbole éveille l’intuition de ce qui ne peut être mis en mots. Il réunit —sum, bolein— les morceaux épars de notre unité originelle, contrairement au —dia, bolein— qui nous en sépare toujours davantage. Il permet de réunir les deux pièces de poterie brisée pour une reconnaissance de cette unité primordiale. Le symbole, le texte symbolique, le mythe, exacerbent notre sensibilité, notre vigilance, et nous invitent en toute entreprise à sentir l’interdépendance des phénomènes vivants. En fait, ils constituent une véritable pédagogie pour aiguiser l’esprit à lire ce qui ...